Étant maman d’un petit danseur et étant responsable pédagogique chez Louise Lapierre Danse, le sujet des garçons en danse me touche particulièrement. Ils sont rares les gars dans les cours de danse; et quand il y en a, on se demande s’ils vont rester… Pour certains d’entre eux, il n’y a pas de barrière de genre; ils sont satisfaits et heureux de bouger. Pour d’autres, quand ils se décident à venir essayer (parfois à reculons), ils arrivent dans une classe bondée de filles! Pour le mien, être avec seulement des filles, ça ne le dérange pas du tout, au contraire. Mais, je sais que ça peut être une affaire littéralement insurmontable. Malheureusement, rien n’aide vraiment la cause; j’entendais dernièrement l’histoire d’un garçon qui se faisait agacer et pointer du doigt par d’autres enfants parce qu’il aime danser…(!?) Une maman m’a aussi raconté que des parents de son entourage n’ont pas pu s’empêcher de réagir et de faire un commentaire désagréable quand elle a dit que son gars avait choisi la danse comme activité physique…Quel dommage et quelle tristesse… Pourtant, la danse n’a pas de sexe…On devrait tous savoir et accepter ça, non?
Depuis toujours on danse, partout dans le monde. Les hommes encore plus que les femmes, à certains endroits. Par exemple, les danseurs de flamenco en Argentine, les guerriers Massaï au Kenya, les « tournoyeurs à chapeaux » en Turquie, les Polynésiens et leurs rituels haka. Même que plusieurs rois européens dansaient et se montraient en spectacle pour dévoiler leur souplesse, leur grâce…et tout ça, sans nuire à leur pouvoir ni à leur virilité. Saviez-vous que plusieurs danses traditionnelles servaient à séduire ou intimider? L’homme devait donc utiliser toute sa masculinité et sa force pour y arriver. Alors, pourquoi entendons-nous aujourd’hui que la danse « c’est pour les filles »? Et à quel moment avons-nous commencé à trouver ça confrontant de voir un garçon aimer la danse?
Pour mes deux garçons, mon chum et moi, danser en s’amusant, c’est notre exutoire. Un genre de soupape qui sert à nous libérer des contraintes de la journée et de la vie. On s’agite, on se déplace, on se laisse aller tout simplement. Chacun de nos corps trouve un langage et invente un chemin qu’on emprunte sans poser de question. Quoi de plus naturel et commun que de « jouer » en utilisant tout son corps et l’espace autour de soi? C’est ça la danse, y’a pas de genre là-dedans…
Je suis heureuse de voir mes fils danser! Ils sont candides, des fois sérieux, intenses et un peu maladroits…C’est parfait! Je suis heureuse de voir que pour eux, cette pratique fait partie de leur vie, de leur quotidien. Et je voudrais qu’il n’y ait jamais de barrière à leurs élans. J’ai un fiston qui veut danser, alors qu’il danse! Selon moi, tous les enfants ont besoin de danser, autant qu’ils ont besoin de parler. Et quand on pousse la chose plus loin et qu’ils commencent à suivre des cours, un autre monde s’ouvre devant eux. C’est ce qui arrive à mon plus vieux. Il apprend à danser. Un cours de danse, ce n’est pas seulement bouger; c’est s’ouvrir à un genre de petite poésie personnelle, c’est vivre sa créativité, c’est devenir interprète, c’est exprimer quelque chose qui est en nous et qui dépasse le concret et le rationnel. Ne serait-il donc pas merveilleux de voir plus de garçons vivre cette expérience? Certains d’entre eux pourraient y apprendre à canaliser leur énergie, d’autres apprivoiseraient leur sensibilité…Cette discipline corporelle dynamique et artistique leur permettrait de s’épanouir, elle leur donnerait des moyens pour s’exprimer et confirmerait chez certains qu’on a bel et bien besoin de se mettre en mouvement pour comprendre les choses. La danse serait alors un outil pédagogique déterminant pour les garçons. Alors, qu’est-ce qu’on attend pour faire taire les préjugés?
Mon fils est encore jeune; il n’a pas vécu de « confrontation » (intérieure ou extérieure) par rapport au choix qu’il a fait pour la danse. J’espère que ça restera ainsi. J’espère qu’il continuera à trouver ça tout à fait normal. J’espère que plus de gens vont trouver ça tout à fait normal. J’espère que plus de gens vont trouver ça vraiment cool un gars qui danse! (Moi personnellement, ça me fait complètement craquer voir un gars danser! Hihi!)
Dans une société où la peur de l’autre est un obstacle à plusieurs niveaux, je souhaite au plus grand nombre de personnes d’apprendre à danser. Le contact humain dans la danse démystifie le rapport aux autres. La danse devient un langage universel qui forme le corps et l’esprit, qui éveille la curiosité et qui apporte des repères essentiels qui ne nous quittent jamais : la connaissance de soi-même, de son propre corps ainsi que la conscience de son environnement et la conscience de l’autre. Je souhaite donc à plus de garçons de ne pas avoir peur de se lancer dans une discipline artistique et accéder à leur fragilité pour ainsi être à l’aise avec leur cœur, avec eux-mêmes et avec les autres. Je souhaite à plus de parents d’encourager leur fils à danser et par le fait même, faire tomber les tabous. Finalement, je souhaite à mon fils Marius, mon petit danseur, d’être libre et en confiance; c’est tout ce qui compte. Alors, vas-y…Danse mon garçon, danse!
Léa Simard